La photonique non-linéaire guidée en France

Une communauté dynamique débordante de compétences

Une communauté française dynamique

L’optique non-linéaire dans les fibres optiques est une thématique qui a émergé au cours des années 70 dans le contexte des télécommunications optiques. Elle a vite constitué un domaine d’étude attirant aussi bien les physiciens voulant explorer des concepts fondamentaux innovants que les ingénieurs voulant profiter d’une solution sans égal pour manipuler et transmettre la lumière. À titre d’exemple, les physiciens du domaine du non-linéaire ont vite identifié la fibre optique comme étant un support parfait pour explorer expérimentalement toute la richesse des dynamiques complexes des solutions de l’équation de Schrödinger non-linéaire. De son côté, la recherche applicative a su elle profiter de la flexibilité des fibres optiques pour concevoir toute une gamme de nouvelles sources optiques ayant des durées et des longueurs d’ondes très variables. Ainsi, depuis plus 40 ans, la communauté de l’optique non-linéaire en fibre a su constamment progresser, s’adapter aux besoins des autres communautés et aux nouvelles opportunités issues des progrès réalisés au niveau de la fabrication de la fibre, comme l’avènement des fibres microstructurées au tournant du millénaire ou bien actuellement l’explosion des communications multimodales.

Dans ce paysage international très concurrentiel, la communauté française a toujours su se hisser et se maintenir au meilleur niveau, aussi bien en termes de concepts que d’applications concrètes.

En parallèle l’étude des effets non linéaires dans les structures photoniques intégrées est un domaine de recherche en pleine expansion. D’une part le fort confinement du champ dans des guides d’onde éventuellement nanostructurés permet une exaltation des effets non-linéaires. D’autre part l’intégration des structures non linéaires avec les fonctions optiques classiques à base de guide d’onde (interféromètres, cavités, guides à fentes, modulateurs, photodétecteurs, …) ouvre de nombreuses perspective pour la réalisation de circuits photoniques pour des applications en télécommunication, spectroscopie, capteurs, etc…

Un large panel de compétences

Cette position de choix dont bénéficie la communauté française de photonique non-linéaire est en grande partie liée à la diversité des compétences disponibles sur le territoire français. Une centaine de chercheurs permanents liés à ce sujet travaillent dans plus d’une vingtaine de laboratoires affiliés au CNRS. La communauté française dispose ainsi de toutes les capacités pour réussir ses différents projets et mener des recherches variées allant des plus fondamentales aux plus appliquées. Ainsi, au fil des décennies, un savoir-faire s’est capitalisé sur les domaines clefs suivants : 

La conception et la réalisation de fibres optiques non-linéaires atypiques. Les laboratoires français disposent de tous les outils de conception avancés nécessaires pour imaginer les fibres de demain. Que ce soient des fibres à cœurs creux ou bien des agencements multi-matériaux, les outils de modélisation du champ électro-magnétiques sont désormais robustes et bien assimilés. De plus, la France dispose de plusieurs centrales de fabrication capables de produire et tirer des profils de fibres optiques atypiques, spécialement conçus pour les applications non-linéaires. L’utilisation de fibres creuses remplies de gaz ou bien de liquide permet également d’accroitre les horizons possibles. La possibilité d’ajouter des dopants est aussi maitrisée et ouvre tout le domaine de l’amplification et des lasers à fibre. D’autres solutions comme les fibres topographiques permettent d’imaginer de nouvelles solutions. Plus récemment, un regain d’attention s’est porté sur les fibres multicœurs ou bien multimodes et des composants associés. L’implantation de réseaux de Bragg est également une technologie maitrisée sur le territoire français.

La modélisation et la compréhension des dynamiques non-linéaires. Si la propagation de la lumière dans le cœur de la fibre optique répond aux équations de Maxwell, il est possible pour mieux comprendre l’évolution d’une impulsion d’utiliser certaines approximations pour aboutir à une équation de Schrödinger non-linéaire généralisée incluant aussi bien les effets dispersifs que non-linéaires. Sous cette équation a priori simple se cache une multitude de solutions non-linéaires cohérentes possibles, pour lesquelles les acteurs français ont développé une expertise théorique et expérimentale incontournable au niveau international. Des analogies fortes ont ainsi été tissées avec d’autres domaines comme l’hydrodynamique et le domaine de l’optique fibrée a largement contribué à la compréhension de différents phénomènes d’instabilité, de turbulence ou bien chaotiques. L’inclusion d’un milieu fibré dans une cavité passive ou active a aussi nécessité le recours à des outils avancés de modélisation, désormais maitrisés par plusieurs acteurs français.

La mise en œuvre de nouvelles sources optiques fibrées. Le succès le plus marquant de l’optique fibrée traditionnelle est incontestablement les télécommunications optiques qui ne cessent de battre des records. Néanmoins, la branche où la non-linéarité a été le plus mise à profit est le domaine des sources optiques. En permettant de manipuler le contenu spectral de la lumière, la fibre optique a permis d’imaginer des sources ultrabrèves désormais concurrentes des technologies basées sur des cristaux comme le titane-saphir. Une grande flexibilité dans les cadences, durées et puissances réalisables est un atout remarquable. La possibilité de générer des spectres cohérents sur plus d’une octave est également une spécificité précieuse des fibres. De même que la réalisation de peignes de lumières ou bien de sources avec une finesse de raie extrêmement élevée.

La caractérisation expérimentale de dynamiques ultra-rapides et traitement de l’information. L’étude de la propagation dans les fibres optiques nécessite de disposer d’outils de caractérisation spécifiques. En effet, l’électronique traditionnelle atteint ses limites en termes de bande passante pour les impulsions picosecondes et femtosecondes. Des techniques de caractérisation précises aussi bien en intensité et en phase ont ainsi été au fil des années mises en œuvre. Le niveau de puissance typique utilisé dans les fibres étant quelques dizaines de W à quelques dizaines de kW, la sensibilité de ces techniques doit être élevée. L’étude des phénomènes non-répétitifs comme les événements rares a en outre conduit à l’acquisition par la communauté de techniques « monocoup » basées sur des lentilles temporelles ou bien sur la transformée de Fourier dispersive. Plus récemment encore, des méthodes de caractérisation distribuée sur plusieurs kilomètres ont pu être validées avec succès.

L’ensemble de ces compétences, loin d’être exhaustives, démontre toute la richesse et la pertinence de la communauté française.